samedi 7 février 2015

‘’LE RETOUR FURIEUX DE SOVE’’ ROMAN de BOLIVARD Delcarme, une approche historique haïtienne de 1957 à 1986

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            Le palais national est bien entouré par des gardes, armés jusqu’aux dents. Pourtant, la terreur s’intensifie et prolonge presque sur tout le territoire.

Le président Jacenauld Luvedari, dans sa belle chambre, se plonge dans la terreur par les mauvaises nouvelles apprises de la part du peuple haïtien. Sa femme est aux abois du courage regrettant sans se plaindre d’avoir accepté et choisi un tel homme.

Le palais national troublé par des menaces de toute sorte. Le soleil se cache, laissant après lui des pleurs aux cœurs et dans les yeux. Ainsi, se fait entendre la chanson :
                                               
                                               ‘’ Lèm pa wè solèy la (bis)
                                                    Mwen paka leve e,
                                                    Mwen paka dòmi i,         
                                                    Kèm pa kontan
                                                    Mwen paka ri’’.

Ti Kòd s’installe dans une chambre spéciale où son père défunt savait prier les gros loas. Les yeux fermés, il récite des oraisons de Saint-Michel Archange.

- Simantò. Simantò oui, viens me trouver. Appelle Ti Kòd l’un de ses plus beaux amis gendarmes.

- Son excellence. Fait le gendarme.
- Où est ma femme ?
- La première dame ?
- Oui.
- Elle doit être là, dans l’autre chambre entrain de se vêtir pour venir au près de vous.
- Dis-lui de m’apporter le petit appareil de l’autre salle.
- Oui chef, à vos ordres !

Il se déplace dans le but de transmettre le message qui lui est confié. Trois pas après, il retourne au prés de Ti Kòd et lui dit :

- Son excellence, à vos ordres !
- Quoi d’autres ?
- Vous m’avez oublié de dire de quelle chose s’agit-il exactement.
- Le petit appareil dans lequel on voit des hommes qui émeuvent.
- C’est son nom ?
- Allez imbécile ! Va le lui dire. Répète énervement Ti Kòd.

A force de penser et truffé de tresse, le président Jacenauld arrive à oublier le nom de l’appareil mais, sa femme très calme saura de quoi veut-il parler. La première dame, aidée par le gendarme ; apporte le téléviseur à Ti Kòd.

- Merci, ma femme intelligente.

Sans perdre de temps, le président Jacenauld fait alimenter l’appareil de l’énergie et dans lequel le peuple qui manifeste avec de grandes pancartes comportant le portrait déformé de Ti Kòd: tête avec de grandes oreilles comme celles d’un lapin et le reste du corps comme celui d’un chien avec sa longue queue.

- Quoi ? Moi-même ? S’interroge étonnement le président.

Il court dans la grande salle, et bien vite il se fait trouver un miroir l’aidant à percevoir tout son corps.

- Moi-même ça ?
Il touche la tête.
- Moi, moi, moi, même ça ?

Il marmotte.

Il touche ses fesses pour vérifier si effectivement il a de queue.

Pour toutes ces raisons, je vais foutre détruire toute la masse. Heu ! Où êtes-vous ? allez, tuez tout ce que vous voyez.


                                    ‘’ ABA JACENAULD, VIV LIT PEP LA’’
                                    ‘’ MINISYEN SE CHYEN, BANN VORAS’’  
                                    ‘’ LAVIDURE MANJE KAKA’’
                                    ‘’ RACHE MANYOK OU BANN PEYI-A, VISYE, SAN NANM’’

Autant de propos incongrus s’écrivent en lettre majuscule sur presque toutes les murailles de la République. Des pancartes et slogans mal saints pour induire le pouvoir des Luvedari dans le monde infernal. Les pneus sont dresses dans tous les racoins du pays. L’attaque violente du peuple qui se venge de ses remords. C’est l’ère de ‘’ dechoucage’’. Toutes les activités sont paralysées pour de bonnes causes.

Dans toutes les rues, une seule chanson à la mode ; la femme de Jacenauld qui complote avec son père dans le cadre de l’engloutissement de la jeunesse haïtienne.

                                   
                                                        ‘’ Minou Tinete, I m sorry for yo
                                                           Se nan video wap gade sakap pase;
                                                           Ou voye papaw al achete yon bonm New York,
                                                           Pou elimine tout jenès an Haïti.
                                                           Lèw fè sa, ma pèw
                                                           Paskew se makout ou konnen ou ka kraponnenm,
                                                                       Ou rale wouziw la, mwen big-up sou ou,
                                                            Ou rale baton gaïc la, mwen relax sou ou’’.

Cette chanson parcourt tout le territoire et moindre effort on peut la chanter.
 
De l’autre cote, les miliciens continuent faiblement d’exercer leur capacité en se tenant quelque fois fermes et en unissons ils chantent :
                                     
                                                ‘’ Alaso grenadye’'
                                                    Saki mouri zafè a yo.
                                                    Pagen  manman, pagen papa,
                                                    Saki mouri zafè a yo’’.

Ils ne craignent de rien, même quand dans la mêlée leurs tripes sont pendues à la flèche des palmistes.

Sovè ne cesse de lutter sans être fatigué. Il ravage et tue à la connaissance de son esprit d’antan. Les soldats ; dirions mieux, les assaillants de Sovè sont sans pitié pour les bourreaux. Ceux-là n’ont qu’un but, celui de se venger des haïtiens injuriés et se débarrasser le pays de ces sanguinaires pour un lendemain meilleur.

Dans le Nord du pays, plusieurs autorités politiques sont démissionnées sous les pressions incontestables du peuple. Certains d’entre eux, en plein air, déclarent  n’avoir jamais fait partie du régime duvaliériste. D’autres s’enfouirent toujours avec leurs orgueils formés du pouvoir sanguinaire de Lavidure. Le V.S.N (Volontariat pour la Sécurité du National) est devenu ; Victoire Sensible de la Nation, et ébranlé sous la colère du peuple.

La tension s’intensifie par degré dans tous les quartiers de la cité Christophienne : ‘’Cité Lescot, la Fossette, Nan Bannann, Chada, Bas Ravine, La Violette’’, tous furent complètement troublés et bouleversés par un peuple qui réclame justice de leur vie.

Des flammes grimpent les nuages comme l’anolis en surveillance qui traverse la limite d’une branche d’un arbre pendu jusqu’à terre. Le peuple s’investit les casernes comme leur bien et profite du temps également pour piller certains gros magasins de la place, sous couleur que leurs propriétaires sont des macoutes qui fortifient en argent et en nourriture les miliciens de toutes qualités.

- Barrez ! C’est bien l’un d’entre eux. Répète énergiquement Sovè qui court tors nu, à ses cotes, deux vaillants soldats ; à chacun une machette et un pneu.

- J’ai dit c’est bien l’un d’entre eux car, sa manière le prouve. Identifiait Sovè.
- Je ne suis pas milicien !
- Eh ! C’est qui ? Demandait Sovè, ne voulant pas laisser le premier.
- Simple haïtien.

De cette réponse, un coéquipier de Sovè sans s’adresser à son chef, lance un pneu au cou du milicien, comme l’on attrape un bœuf sauvage au moyen d’une corde.

- T’en prie. Fait le milicien qui essaie de s’échapper toujours avec le pneu au cou.

De la gazoline à allumette ; feu. Dégage un ami de Sovè.

 Travers le pneu, on introduit de la gazoline suivie d’une boite d’allumette bien pleine. Depuis des tresses de cheveux jusqu’aux orteilles, s’allume un feu vif mitigé de graisse du milicien, sous un bruit expliquant celui du maïs en plein huile d’une chaudière chaude.

- Oh ! Pitié.

C’est le dernier mot qu’il arrivait à prononcer faiblement.

La troupe de Sovè traverse la grande rue, et du même coup rencontre un autre milicien. Cette foi-ci sans tarder, l’on enfonce un morceau de bois à son anus. Une pierre sur la poitrine d’un autre, un coup de machette au visage.

Avec force, ils prennent le Nord, disons plutôt le Grand Nord car, en même temps l’opération se fait dans toutes les zones périphériques et toutes les communes de cette position.

Le soir fut arrivé mais, personne ne sait où se loger. Sovè est furieux par ailleurs, il a toujours du respect pour Saint-Julia qui est la porteuse de la nourriture et du breuvage pour fortifier les gens de l’armée de Sovè.

- ‘’ Kenbel, barel’’. Répète l’un des soldats de Sovè en pleine nuit, voyant non loin de lui un homme.

- A moi secours. 
- Il est un milicien.
- Pas vrai.
- Je vais te fouiller. Avançait Sakitwòp, un confrère de Sovè.

Il met debout le prétendu milicien puis, il commence à actionner.

Dans des poches de pantalon, deux mouchoirs très chiffonnés de couleur rouge et noire ; dans sa poche de chemise, un cigare et une photo de Jacenauld Luvedari.

- Il est franchement un milicien. Confirmait Sakitwòp.
- Pas moi seul, bien d’autres hougans le sont aussi, à titre d’exemple, Pananyen le plus célèbre hougan, cache chez lui des miliciens les plus chevronnés que moi.

- Quoi ?
- Merde ! Merde !
- Deux coups de poignards à la poitrine.

Sovè excité, contourne les yeux jusqu’à inviter ses hommes à se rendre chez le hougan Pananyen pour avoir trahi l’idée patriotique. Sans retarder, ils furent arrivés furieusement sur l’habitation de Pananyen. Dieu soit loué, le hougan Pananyen, ayant appris peut-être cette visite rageuse, prenait le marquis lui et sa famille.

- Cararó ! Il est déjà parti.
- Incendiez-moi le houn for.

Bonne exécution, et on a réduit en cendre le ‘’badji’’ de Pananyen.

Il faut marcher prendre les autres.

L’idée est rependue sur tout le territoire. On tuait les hougans, les badjikans, les lougarous, les bizngos, les venblendengs et on avait même ‘’déchouqué’’ les homosexuels.

Le peuple chante en cœur :

                                               

                                                   ‘’ Dechoukaj la poko fini,
                                                    Anwo palè-a, chaje-k makoute’’.


Dans toutes les stations de radio, tant dans les provinces qu’à la capital; plusieurs compositions musicales engages étaient en vogue.

                                                 
                                                     ‘’ Tout milicien ki lòt bò dlo, merite jugé ;
                                                     Bare, bare, bare bann kriminèl yo
                                                     Yo merite jugé’’.


Le Grand Nord fut ravage et le peuple commençait à crier victoire en fredonnant un air d’apothéose.
                                              
                                                    ‘’Jacenauld Lavidure, papaw te diw
                                                      Depi Okap frape, se pouw rale dadaw’’.

Cette chanson traduit déjà la victoire du peuple sur le régime duvaliériste puisque la ville du Cap-Haïtien enfin tombe sous la domination honorifique de Sovè.

La joie pour le peuple qui sourit et qui se venge de ses remords, alors que pour les miliciens c’est la tristesse, c’est la fuite. ‘’Un temps pour chaque chose et chaque chose a son temps ; dit la sainte parole’’.

Sovè et les autres s’arrangent pour la dernière attaque qui se fera à coup sûr à Port-au-Prince, zone privilégiée des Luvedari.

Au sein de la capitale d’Haïti, de nombreux haïtiens partent déjà au pays de l’au delà. De ce nombre, on n’à qu’à distinguer la quantité de miliciens qui sont tués par la colère intouchable du peuple. Pourtant cela n’empêche aux autres de continuer de proférer sur l’avenir du peuple haïtien. En rang, toujours les mêmes vêtements ; avec les mêmes idéologies.
                                             
                                                   ‘’ A laso grenadye
                                                    Sa ki mouri zafè a yo,
                                                    Pa gen manman, pa gen papa,
                                                    Sa ki mouri zafè a yo’’.

Cette chanson fleurissante, leur donne beaucoup de forces et de courages pour lutter en faveur de leur pouvoir.

- A vie ! Fait l’un.

Mais l’équipe est si faible, on ne peut entendre que deux à trois voix fin dolentes répétant.

- A vie, à vie.

Il était dix heures du matin quand le peuple se massait devant le portail du palais national après avoir fini de ravager toutes les casernes et d’éliminer tous les tontons macoutes. Armes en badition, il réclame la tête de Ti Cod tapis en tremblote à rebord d’une fenêtre du palais en train de regarder avec humiliation la réaction sanguinaire d’un peuple ayant souffert de toute son existence.
                                                   

                                                       ‘’ Nou mande, nou mande
                                                          Fòk Jacenauld ale’’. (Bis)

Le peuple acharné, veut pénétrer le palais, mais, retenu sous les ordres de Sovè. Certains d’entre eux, pour exprimer leurs colères s’introduisent à vandaliser les grandes œuvres artistiques du pays. D’autres, émeuvent pour prendre le président. On défonce le cadenas du portail, on entre dans la cour du palais. Sovè à la tête, se dirige là où il aperçoit l’hombre noir de Ti Kòd

- Je vous en prie, ne me tuez pas. Parle Ti Kòd en voyant venir la colonne de personnes au prés de lui.
- C’était mon père, ce n’était pas moi. Accordez-moi une chance, je vous donnerai de l’argent et tout ce que je possède.
- Ma femme ? Elle est belle, elle est là. Je peux vous la passer ?
- Mes voitures ? Vous ne les aimez pas. Encore puissé-je vous les donner ? Mes argents ? Mon pouvoir ? Ce n’est rien si vous en voulez. Laissez-moi aller les chercher pour vous.

Ti Kòd commence à déparler sans même encore être fouetté et interrogé.

- Silence !
- Oui, de mes bien, lequel désirez-vous ?
- Silence, dis-je !
- Bonpasòt. Appellait Sovè.
- Plait-il commandant.
- Prenez-le et au travers de son cou, passe une corde.

L’exécution de cet ordre, on prend Ti Kòd, on le traine avec ses deux bras liés jusqu’au dos. On le bouscule, on le gifle, on le frappe à la tête jusqu’à ce qu’il fasse un cri perçant le mystère de la vie. On le traine jusqu’au dehors du palais et on l’expose ; la tête abaissée, sueurs au front, salives à la bouche, sur la grande place ; disons mieux sur le champ de mars.

                    ‘’MEN KRIMINEL LA ‘’, crie le peuple.

Après bien des minutes, on embarque ce dictateur et sa femme à bord d’un avion pour un pays lointain ; le corps hache menu, regret à l’esprit.

Une deuxième révolution du peuple haïtien, une deuxième indépendance. La chanson se dit ainsi et bien connue de tous :
                              
                                             ‘’7 février, avan solèy levé,
                                             Ayiti libere, dezieme endepandans’’

Ce fut un véritable soulèvement avec pour chef en tête Sovè bien assisté de sa marraine Saint-Julia et les autres. Le peuple s’embrasse, c’est la réconciliation ; une nouvelle vie pour un nouvel espoir.

Après un an, soit en 1987 de cette grande révolte, un nouveau vent d’espoir souffle le cœur et l’esprit de tous les haïtiens. C’est le recommencement de la vie dans son devoir et obligation. Bien des hommes qui ont abandonné le pays pour n’avoir pas voulu exterminer sous la colère des hommes de Luvedari, décident enfin d’y être de retour pour jouir de ce grand privilège symbolisant une nouvelle forme de liberté. C’est la joie au cœur du peuple, c’est également l’envie de vivre et de revivre.

Dans tous les recoins, c’est la musique, du plaisir. C’est aussi le partage de bons sentiments patriotiques après l’exil bien merité du fils du lion. Les tontons macoutes ne sont plus à la mode et leurs foulards jaunes sont pendus sur toutes les lignes de la capitale en signe d’échec total pour ce régime sanguinaire. C’est le temps de vivre, puisque le dictateur vient d’être exilé et de laisser tranquillement maintenant la nation.

Dans une grande assemblée générale, Sovè, Saint-Julia et la troupe font venir les haïtiens des quatre coins du pays afin de partager un vers de bonheur qui leur avait attendu. Sovè en profite pour présenter la bravoure de sa marraine et le reste de l’équipe tout en demandant à la grande assemblée de se lever pour saluer le courage d’Ilyodor le défunt et la famille d’Inosan qui combattait aussi invisiblement.

Avec l’aide de bons hommes de droit et de bons citoyens avisés, on élabore la constitution à base de laquelle le nouveau peuple libre marchera sans ambages pour la fierté et la gloire du pays.

On bâtit des hôpitaux, des écoles primaires, secondaires et professionnelles. On érige de grandes universités pour accueillir des finissants. On construit toute sorte de voie pour permettre l’échange accessible au commerce. On fait du bien pour le pays, après plus de 30 ans de tortures, de dictature et de peine.

- He frère ! C’est lui le fils du défunt Inosan ? dit de loin un vieillard en tremblant qui essaie d’allumer un cigar.
- Oui, c’est bien lui.
- Oh ! Papa, un Sovè tout de bon.
- Ah ! Ça c’est vrai.

Sovè regarde Saint-Julia et l’embrasse, pendant qu’une colonne de perdrix traverse la ligne de la limite de la capitale. Un vent doux et paisible les frappe au nez pour ressentir une nouvelle bonne odeur pour une nouvelle Haïti chérie.                                                             

BOLIVARD Delcarme


 

NOUVEAU ROMAN : LE RETOUR FURIEUX DE SOVE     9/12/2008


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