jeudi 14 janvier 2016

DE L’INSTABILITÉ POLITIQUE À HAÏTI



encrejournal
Quand le système politique s’organise mal dans un pays, cela fait naitre un ensemble de bouleversement et de crise qui paralysent le développement et créent des occasions troublantes au niveau de la société. Dans le cadre d’Haïti, la misère et la pauvreté sont conditionnées par l’instabilité socio-politique du pays où l’investissement ne peut se réaliser à cause d’une peur généralisée qui handicape toutes les activités de la vie courante.
De-là, il faut chercher à comprendre et à déterminer l’origine de l’instabilité de la politique haïtienne, à vérifier si les causes qui l’ont engendrée peuvent au moins améliorer afin de tenter de résoudre le problème de la misère sociale à Haïti.  

Notion de l’instabilité politique à Haïti

L’instabilité politique à Haïti ne date pas d’aujourd’hui, elle est aussi vielle que l’existence de ce pays et entraine la notion de sous-développement dans le milieu haïtien. En effet, les problèmes institutionnels et les conflits sociaux dans le pays où la masse populaire se voue à elle-même, sont les véritables facteurs de l’instabilité politique haïtienne.

Cependant, ces derniers temps, la situation de la politique haïtienne est en nette décadence. Plus de respect aux normes constitutionnelles, plus d’acteurs politiques conséquents, c’est le désordre au niveau de l’appareil de l’État qui valorise aujourd’hui la notion d’individualisme au détriment de celle du collectivisme.

Évolution et histoire

Au lendemain de l’indépendance nationale, la jeune nation commençait à avoir beaucoup de problèmes tant sur le plan structurel de l’État que sur plan d’organisation sociale. La masse populaire qui s’engageait à la lutte anticolonialiste et esclavagiste était mise de côté au profit d’un groupe d’hommes communément appelés ‘’anciens libres’’. Les richesses du pays allaient être mal reparties et l’État d’alors, à vouloir tout contrôler, faisait naitre une situation difficile de crise sociale et économique.

La solidarité entre les mulâtres et les noirs de 1803 à 1804 pour une issue favorable à la guerre de l’indépendance, était banalisée et rejetée pour une question de distribution de terre et de toute sorte de richesse qui créa plus tard la naissance de deux mondes : les nouveaux riches et les déshérités. Ces derniers, mécontents de la façon dont l’État fut géré, s’adonnèrent à fragiliser l’indépendance nationale[1].

Deux (2) ans seulement après la proclamation de l’indépendance nationale aux Gonaïves, l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, père-fondateur de la nouvelle patrie, assassiné au Pont-Rouge le 17 Octobre 1806. À la mort de Dessalines, la situation politique et sociale du pays fut bouleversée et provoquée une crise économique immense. Le pays fut divisé, d’où la genèse de l’instabilité politique à Haïti.

Bien d’autres évènements tragiques furent marqués l’histoire de l’instabilité politique à Haïti, cependant, pour ne pas en présenter une liste trop longue, nous nous intéressons aux troubles politiques du début du XXème  siècle haïtien qui occasionnaient le débarquement militaire de 1915 à 1934 des soldats des États-Unis pour une occupation unilatérale. Toujours dans le cadre d’une crise répétée, 60 ans plus tard, soit en Octobre 1994, les soldats américains sont revenus dans nos murs couverts d’une stratégie d’occupation multilatérale mise en place par les Nations-Unies pour la restauration de l’ordre constitutionnel[2].

Malgré l’intervention directe des Nations-Unies pour le rétablissement de l’ordre institutionnel, la situation ne s’est pas redressée. De nouvelles luttes pour le pouvoir politique aggravent la situation. Deux (2) passations de pouvoir, 2001 et 2004 compromettent tous les grands efforts entamés pour le maintien de l’État de droit et de démocratie dans le pays.

Il faut aussi noter l’évolution de l’instabilité politique à Haïti à partir de 2000 jusqu’à 2015. De cet intervalle, nous notons par exemple le vide législatif qui allait plus tard occasionner les élections contestées du 21 Mai 2001 et celles du 26 Novembre de la même année, l’installation de Me Gérard Gourgue comme président de l’opposition[3], la démission du président Jean-Bertrand Aristide à la veille de la célébration du bicentenaire de l’indépendance nationale, le gouvernement de transition de Me Boniface Alexandre/Gérard Latortue, les élections frauduleuses de 2006 qui amenaient René Gracia Préval à la présidence d’Haïti, sans oublier les élections controversées de 2011 fondées sur le chambardement de la structure politique haïtienne qui n’existait même pas, par le musicien Michel Joseph Martelly à la tête de l’État haïtien au rejet de l’ex-sénateur de la République d’Haïti, Mme  Mirlande H. Manigat. Beaucoup de chanceliers ont démissionné sous les pressions politiques de l’opposition haïtienne. Et jusqu’à date où nous sommes, le pays vient de connaitre une instabilité politique ayant permis de passer quatre (4) ans sans renouveler le personnel politique haïtien, notamment, le tiers sénat, la députation et les collectivités territoriales, ce qui entrainait pendant un bon laps de temps une crise institutionnelle. Et les dernières élections législatives du neuf (9) Août 2015 sont totalement critiquées, contestées profondément sur tous les points de vue avec une faible participation de l’électorat haïtien soit 18% sur tout le territoire national, des fraudes massives y ont été enregistrées qui donneront plus tard les élections présidentielles du 25 Octobre 2015 un caractère le plus critiqué et le plus contesté des élections présidentielles d’Haïti. De-là, certains partis politiques et d’autres secteurs de la vie nationale réclament l’annulation pure et simplement de ces élections et le départ sans condition des membres du CEP. Tout cela découle du facteur de l’instabilité politique à Haïti.

Donc, de 2004 en passant par 2011 jusqu’en 2015, la politique haïtienne ne fait que se désorienter et se dégrader. Les principaux conflits politiques et sociaux entrainent  la déstabilisation de l’être haïtien qui ne sait où reposer la tête face aux conjonctures difficiles et fragiles du pays.

Caractéristiques et trais dominants

Le contexte fragile dans lequel évolue la politique à Haïti permet de comprendre la place occupée par ce pays à travers l’Amérique latine et plus directement au niveau de la Caraïbe insulaire. Par des crises politiques, la misère et la corruption dans les administrations publiques, Haïti s’identifie comme le pays le plus pauvre de l’Hémisphère occidentale.

Les indicateurs socio-politiques concernant Haïti  présentent des images visibles d’instabilité comme bien des pays d’Afrique d’autrefois en situation de guerres et de conflits d’armés. Pourtant, cette considération haïtienne est nettement contraire à la pensée politique du professeur Bel Angelot qui constate qu’Haïti est un pays de deuils et de faux conflits puisqu’il s’agit de maintenir l’individualisme dans les affaires publiques de la nation[4].

Nous parvenons jusqu’ici à identifier quelques caractéristiques et des traits dominants de l’instabilité politique à Haïti qui sont les suivants, entre autres :

-          Mauvaise gouvernance

-          Irrespect des normes constitutionnelles

-          Anarchisme socio-politique

-          Blocages institutionnels

-          Dysfonctionnement de l’appareil de l’État

-          Insécurité socio-politique et économique

-          Gel de l’aide international[5].

Facteurs occasionnels

Les crises socio-politiques à Haïti traversent toute l’histoire de ce pays. Elles fragilisent toutes les institutions et débouchent sur une situation de misère et de pauvreté chez le peuple haïtien. Donc, nous comprenons par maintes études réalisées sur la question de l’instabilité politique à Haïti, que ces moments de fortes tensions et de chaos ne se produisent pas de par eux-mêmes. Ils résultent intégralement de l’individualisme du côté des acteurs politiques haïtiens, de leur amour du pouvoir afin de s’enrichir au détriment de la masse, de leur incapacité de diriger, de leur ignorance des effets négatifs de l’ingérence des choses publiques.

Conséquences

Les conséquences de l’instabilité politiques sont toujours visibles. Dans tous les pays où règne l’instabilité politique, la vie sociale et économique sont toujours boiteuse, les institutions se dévalorisent, la corruption dans les administrations publiques, entre autres, sont les effets directs de l’instabilité politique.

Laurent Jalabert, professeur à l’Université des Antilles et de la Guyane, France, dans son article titré : ‘’les violences politiques dans les États de la Caraïbe insulaire’’, présente de manière systématique les conséquences qui peuvent découler dans un contexte politique instable. Pour Jalabert, l’instabilité politique provoque l’insécurité surtout les points de vue et paralyse notamment le bon fonctionnement des institutions étatiques.

Dans le cadre d’Haïti, l’instabilité politique devient une institution qui tend à détériorer la société haïtienne. Si nous nous référons de 1804 à nos jours, nous pouvons constater tant de problèmes que peut créer l’instabilité politique, tels : vides institutionnels, dysfonctionnement de l’État, passivité des acteurs politiques, abus d’autorité, pauvreté massive, élections irrégulières et frauduleuses, contestations des élections, irrespect de la Constitution.

BOLIVARD Delcarme, Av. M.A      14/01/2016

[1] . Sonson Price, ‘’Haïti État de choc’’, p.20
[2] . King Pascal pecos LUNDY, ‘’Crise, réformes économiques et pauvreté en Haïti’’, P. 7
[3] . Sonson Price ibid. P. 158
[4] . Bell Angelot, ‘’Haïti, État de deuil et de faux conflits, pèp debou, dirijan ajenou’’. Préface.
[5] . Organisation people en Lutte (OPL), ‘’Vers 2004’’, rapport.
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