vendredi 10 avril 2020

*Le Droit à la santé à Haïti : Une utopie face aux principes des droits de l’Homme* Les constats inquiétants des cas du "Coronavirus" (Covid-19) sur le territoire national

encrejournal
Le jeune docteur chinois, Li Wenliang, spécialiste en ophtalmologie, a lancé une alerte le 30 décembre 2019 sur l’existence du nouveau ‘’Coronavirus’’, une maladie infectieuse ayant une forte capacité de nuire au système sanitaire mondial. Malheureusement, cette maladie lui a coûté la vie, laissant sa peau à 34 ans d’âge, le 07 février 2020 à Wuhan en Chine. Depuis lors, des centaines de milliers d'individus de (sont) tués à travers le monde par ce virus qui, jusqu'à présent n'a aucun médicament y relatif, malgré d'énormes tentatives médicales et des sommes d’argent mises en place.

Chez nous, ce nouveau virus fait peur, puisque nous savons l’état dans lequel évolue notre système sanitaire. Rappelons que ce dernier est contrôlé par l'État haïtien sous l'obédience du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Ce Ministère[1], organisé depuis sous la présidence de Me Boniface ALEXANDRE, n'est jamais fort et est toujours occupé par des politiciens en lieu et place des connaisseurs en matière de Santé publique. En effet, malgré l’esprit de l’article 3 du Titre II donnant les attributions du Ministère de la Santé Publique et de la Population du décret du 06 janvier 2006, cette institution régalienne de l’État, ne joue pas son rôle.  Donc, ce qui rend précaire le système sanitaire haïtien à un moment où les grandes dépenses se font beaucoup plus pour troubler l'ordre des choses, particulièrement pour intensifier les crises sociopolitiques dans le pays.

Du ‘’choléra’’ à Haïti importé par les soldats népalais de la Mission des Nations Unies pour la Stabilité en Haïti (MINUSTAH) où l'Organisation des Nations Unies (ONU) est reconnue coupable, mais non responsable (Ricardo Seitenfus : Les Nations unies et le choléra en Haïti : coupables mais non responsables), jusqu’à l'arrivée du ‘’Coronavirus’’ sur le territoire national, l'État haïtien semble n'être préoccupé de rien et surtout du ‘’Covid-19’’, caractérisé officiellement de pandémie mondiale, soit le 18 mars 2020 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sous les lèvres de son Directeur Général, monsieur Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d'une conférence de presse tenue à Genève. En effet, aucune disposition sérieuse n'est engagée par l'État haïtien, notamment par les autorités sanitaires du pays. Et la récente déclaration de la représentante du MSPP, madame Marie Gréta Roy Clément, sur les ondes de la radio Méga FM, 107.3 à l’heure du journal : ‘’Mega-Maten’’, de la Capitale, comme quoi, l'État haïtien dispose de deux cents (200) lits et quelques centres hospitaliers afin de recevoir des éventuels cas de Coronavirus, laisse comprendre que les autorités étatiques d'Haïti sont des irresponsables. Cette logique est que non seulement la position de ces lits n’est pas dévoilée, mais aussi et surtout le motif de la non vulgarisation des lieux de ces hôpitaux ne tient.

Ainsi, n’est prise aucune décision sérieuse par l’État haïtien dans le cadre de la propagation et la gestion stratégique du ‘’Coronavirus’’ (Covid-19) dans le pays. Une commission scientifique en la circonstance est mise en place par l’exécutif sans un laboratoire d’analyses et d’expérimentations médicales sérieuses. Des sommes d’argent sont décaissées de la Banque centrale (BRH), soit plus de 18.000.000.00 dollars américains destinés à l’achat des matériels sanitaires afin de répondre aux éventuelles conséquences du ‘’Coronavirus’’. Pourtant, jusqu’à date, aucune trace du prétendu contrat signé avec la Chine n’est trouvée, et le virus continue de s’attaquer à la population sur presque tout le territoire national.

Pour faire face aux menaces de la pandémie ‘’Coronavirus’’, l’état d’urgence sanitaire a été arrêté sur toute l’étendue du territoire national pour une période d’un mois par l’exécutif en date du Vendredi 20 mars 2020[2]. Par ailleurs, le constat en est évident, le peuple continue de mener ses activités quotidiennes comme à l’accoutumée. Une enveloppe de 20.000.000.00 dollars de la Banque Mondiale a été remise aux autorités de l’État haïtien pour subvenir aux besoins de la population face au nouveau ‘’Coronavirus’’. Dans l’intervalle, rien n’est fait de sérieux, sinon quelques ‘’kits’’ alimentaires qui sont distribués à certains citoyens des quartiers populeux. Les écoles et églises sont fermées pour le moment, tandis que les autres activités continuent pour la plus belle, dont : les marchés publics, les boites de l’État, les banques privées et publiques ; tout, sur les yeux faiblards des dirigeants en place. Dans bandes de ‘’rara’’ sont dans les rues malgré le couvre-feu imposé par l’exécutif.
Il faut se rappeler, cependant, dans le cadre de la santé, l'État haïtien a signé et ratifié plusieurs textes internationaux qui s'ajoutent à la législation médicale haïtienne, afin de promouvoir, garantir et protéger l'état sanitaire de la population. Compte tenu la définition de la santé donnée par OMS en 1946, dont : "la sante est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité[3].", nous nous demandons perplexe si cette définition convient au modèle particulier du concept santé à Haïti ? De plus, exigeons-nous les interrogations suivantes : En quoi le Ministère de la Santé Publique et de la Population, est-il utile dans le pays ? La législation médicale haïtienne, n'est-elle pas sous les jougs des acteurs politiques nationaux ? Que Peut-on attendre de l'État haïtien face au ‘’Coronavirus’’ ou COVID 19 sur le sol national ?
À ces précédents questionnements, étudions d'une part, l’arsenal juridique international ratifié par Haïti conformément au Droit de la Santé. D'autre part, celui de la nation haïtienne relatif à celui-ci.

*Sur le plan international*

*La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948*

Votée et ratifiée par Haïti, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 dispose en son article 25-1 : ‘’Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté[4].’’

En réalité, aucun des éléments du précédent article de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme n'est respecté à Haïti. L’espérance de vie d'un citoyen haïtien est moins de 63 ans, tandis que celle de son voisin, la République Dominicaine, s'élève à 75,6 ans, selon le rapport de l’Indice de Développement Humain (IDH) du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) en 2018[5]. Les soins médicaux sont inexistants dans les centres hospitaliers haïtiens où les médecins et les autres personnels de santé sont obligés de protester dans les rues afin de faire passer leur revendication. Alors, avec la présence du ‘’Coronavirus’’, nos dirigeants, seront-ils en mesure de répondre aux contraintes de cette maladie ? Y a-t-il des espaces destinés à mettre en quarantaine les suspects du ‘’Coronavirus’’ ? Que fera l’État avec les infectés de ce virus’’ ?

 *Le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels de 1966*

 L'article 12-1 de ce Pacte expose : ‘’Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre.
Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre les mesures nécessaires pour assurer :
a)      La diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l’enfant ;
b)      L’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ;
c)      La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ;
d)      La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie[6].’’

La réalité du système sanitaire haïtien est en contradiction flagrante avec l’esprit de l’article 12-1 du Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels de 1966. En effet, Le rapport intitulé « Chaque vie compte : le besoin urgent de mettre fin à la mort des nouveau-nés » présenté par l'UNICEF indique qu’Haïti apparaît le pays ayant le taux de mortalité le plus élevé de la région, avec 1 décès pour 41 nouveau-nés. Il est suivi par la Dominique (1 sur 42), de la Guyane (1 sur 50) et de la Bolivie (1 sur 53). Cependant, Cuba est le pays ayant le plus faible taux de mortalité néonatale avec 1 décès pour 417 nouveau-nés. Il est suivi d'Antigua-et-Barbuda (1 sur 264), d'Uruguay (1 sur 200) et du Chili (1 sur chaque). 186) et le Costa Rica (1 sur 176)[7].

De 2010 à 2013, le cholera a fait plus de 10.000 morts à Haïti. Ce qui prouve que l’état hygiénique du pays n’est pas de taille. Face au nouveau ‘’Coronavirus’’, officiellement qualifié de pandémie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), comme tous les autres pays, mais encore beaucoup moins, Haïti est totalement vulnérable. Cette fragilité s’explique par le fait que la santé semble n’être pas prioritaire pour les autorités étatiques qui croient que leurs maladies seront toujours soignées à l’étranger, mais pas dans le pays. À noter que, Selon les données statistiques de 2016 publiées par le MSPP, seulement 31% de la population ont accès aux soins de santé.

*Sur le plan national*

La Constitution du 29 mars 1987, amendée le 09 mai 2011, dispose en son article 19 : ‘’L'Etat a l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme[8].’’

L’article 23 de la même Constitution en vigueur ordonne : ‘’L'Etat est astreint à l'obligation d'assurer à tous les citoyens dans toutes les collectivités territoriales les moyens appropriés pour garantir la protection, le maintien et le rétablissement de leur santé par la création d'hôpitaux, centres de santé et de dispensaires[9].’’

Tout est utopie à travers ces deux articles de la loi mère de la nation. L’État n’a rien fait pour répondre aux exigences sanitaires de la population. Selon le rapport de 2017 du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), nous retenons que sur 570 sections communales, 122, soit 22%, sont dépourvues d’infrastructures sanitaires et celles qui en disposent ne valent pas grand-chose.

Les plaisirs sociaux ont plus d’importance pour les autorités de l’État haïtien, quand on sait que de fortes sommes d’argent ont été décaissées pour le carnaval de 2020 à Haïti. L’argent dépensé dans cette activité, quoique non réalisée à cause des turbulences sociopolitiques qui ont miné l’ordre des choses dans le pays, a dépassé très largement le montant alloué au système sanitaire pour un an. Donc, la santé aux yeux de ces autorités n’a aucun avantage. À titre d’exemple, le budget de la Santé varie de 16,6% en 2004 à 4,4% en 2017. De cette dernière date, jusqu’au moment où nous produisons le présent article, aucun budget n’est voté dans le pays, et c’est toujours la même loi de finance de 2017 qui est reconduite avec une baisse inimaginable de l’enveloppe réservée à la santé, soit un total de moins de 5%[10].

Par ailleurs, le constat ci-dessus est totalement contraire au dernier rapport de la Banque Mondiale relatif au financement de la santé à Haïti, désigné sous le titre de : ‘’Mieux dépenser pour mieux soigner : un regard sur le financement de la santé en Haïti[11]’’. Dans ce rapport de 112 pages sous la direction du groupe de la Banque Mondiale, on a mentionné que le système sanitaire haïtien doit être renforcé financièrement, ce, pour répondre aux exigences et améliorations de l’accès aux soins pour tous les Haïtiens.

Le même rapport de la Banque Mondiale sur le système sanitaire haïtien, indique qu’à 13 $ par habitant par an, les dépenses publiques en santé sont inférieures à la moyenne des pays à faible revenu. Par ailleurs, plus de la moitié de toutes les dépenses de santé sont allouées à des soins curatifs plutôt que préventifs : Haïti possède de nombreux hôpitaux sous-équipés, mais seulement 0,3 dispensaires pour 10 000 personnes[12].

Ceci étant dit, aucun aspect du droit à la santé n’est respecté à Haïti. Qu’il s’agisse du fait de l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, de l’alimentation saine, de l’alimentation suffisante et le logement décent, des conditions environnementales saines et du travail, d’une éducation à la santé et la diffusion d’informations, de l’égalité entre les sexes ; à Haïti, tous ces éléments du droit à la santé comme un droit inclusif, sont une utopie. Qu’il s’agisse des libertés dans le domaine sanitaire, rien n’est encore mise en place à Haïti après ces 216 ans d’indépendance[13].

Donc, de tout ce qui précède, nous confirmons que le droit à la santé à Haïti reste un rêve irréalisable jusqu’à maintenant. Ainsi, comme toutes les autres libertés publiques, le droit à la santé à Haïti se dégrade de plus en plus et n’a aucune signification aux yeux de nos dirigeants haïtiens en dépit du fait qu’aucun instrument juridique, que ce soit sur le plan national ou international, n’est mis en application. En effet, comment parler de l’effectivité du droit à la santé à Haïti, quand moins de 30% de la population seulement peuvent être soignés en cas de maladie ?

En guise de perspectives, nous recommandons aux autorités de l’État haïtien d’engager une véritable politique publique devant répondre aux récriminations mondiales des libertés fondamentales, dont, le droit à la santé. Nous proposons une augmentation exponentielle de l’enveloppement budgétaire de la santé à Haïti. Nous proposons également la dépolitisation du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) et l’autonomie intégrale de ce ministère. Mais pourquoi, les maladies de nos dirigeants ne sont-elles pas soignées à Haïti ? Et s’ils sont atteints du ‘’Coronavirus’’, que feront-ils ?

Delcarme BOLIVARD, Av.MA
09/04/2020



[1] LE MONITEUR, « Décret portant sur l’organisation et le fonctionnement du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) », Journal officiel de la république d’Haïti, 161e année, #1, jeudi 5 janvier 2006
[2] Le Moniteur : Journal officiel de la République d’Haïti, #53
[4] Gagnon PIERRE, Surprenant HUGUES : Droit international de la personne : Garanties judiciaires et conditions de détention, P.56
[6] OMS : Ibid. P.10
[8] Constitution du 29 mars 1987, amendée le 09 mai 2011, p.14
[9] Ibid. p15
[10] www.opengouv.ht Bidjè Repiblik d Ayiti, consulté le 09 avril 2020 à 6 hs 37
[12] Loc.Cit
[13] OMS : Ibid. P.3

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