mardi 30 juillet 2019

LA DÉSINFORMATION ET L'INFORMATION À HAÏTI : LE DÉSEQUILIBRE SOCIOPOLITIQUE CONTRE LES NORMES JURIDIQUES

encrejournal
Résumé

Notre préoccupation dans cette étude est de montrer qu’à Haïti non seulement la désinformation est un handicap au changement du pays, mais aussi l’information est quelquefois paralysée par son mode de véhicule relatif à la langue d’usage et ses conséquences fâcheuses. Nous mettons en évidence des textes de lois qui prévoient et sanctionnent la désinformation dans certains pays, dont la France, tout en exposant un ensemble de texte de lois du Droit national qui s’occupent de la diffamation. Donc, comme toute bonne recherche, nous faisons des approches comparatives, évaluons de manière spatio-temporelle l’étude entreprise et posons intégralement la problématique de la désinformation et de l’information à Haïti.
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Tout peut s'effondrer dans une société sous le poids de la désinformation(1). Et quand l'information s'intoxique, des dérives politiques peuvent y surgir. La mésinterprétation(2) de l'information n'a pour effet que d'induire en erreur la volonté d'un peuple s'exposant au péril de l'incompréhension de la réalité quotidienne. Cependant, le contraire le prouve que l'objectivité des idées claires à travers les ondes entrainent l'effet positif au développement durable d'une société. Les ‘’fake news’’, ou ‘’infox’’ et ‘’deepfox’’, informations fallacieuses ou fausses nouvelles, constituent une information erronée émise dans le but de manipuler l’opinion publique ou tromper un auditoire à son profit(3). Voilà pourquoi, des pays avancés, hautement identifiés sur l'angle technologique, accordent de très grande importance à ce qu'est l'information digne de son nom.

Ces temps-ci, les réseaux sociaux sont les véritables voies où s’écoulent à flot les fausses informations dont le plus souvent les auteurs sont anonymes par rapport à la structure du ‘’web’’. Par ailleurs, ils peuvent y être identifiés selon qu’il s’agit de l’importance ou de la place occupée par la personne victime(4). En propageant de manière accélérée et rapide les fausses nouvelles, les réseaux sociaux entameraient un nouvel âge de l'information, de temps à autre baptisée « ère post-vérité »(5). D’où, entre en ligne de compte, ‘’L'effet de vérité illusoire" selon lequel plus une information serait répétée, plus les personnes qui y sont confrontées seraient susceptibles d'y croire(6). Delà, des mesures drastiques doivent être envisagées pour redresser la situation.

En France, pour tenter de résoudre le problème de la désinformation constituant une infraction pénale, des lois ont été prises en pareil cas, dont : l'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, l'article 322-14 du code pénal (modifié par l'ordonnance du 19 septembre 2000) lié à la Loi n° 92-685 du 22 juillet 1992, l’article L.97 du Code électoral, l’article L465-1 du code monétaire et financier, modifié par la Loi n° 2016-819 du 21 juin 2016, la loi contre la manipulation de l’information est votée en novembre 2018 et validée par le Conseil constitutionnel en décembre 2018(7). Ces textes de lois sont effectifs au point que des sanctions y relatives s'envisagent à tous contrevenants, nonobstant l'ampleur de la technologie et de l'information. De leurs côtés, les Anglo-Saxons, dont, les États-Unis, accordent une large étude sur ce qu'ils appellent "Fake News", où par l'établissement du principe de "lobby"(8) en communication politique, font tout pour amoindrir le problème. À rappeler  la manifestation aux États-Unis en 2017 contre la propagation des ‘’infox’’. En Allemagne, une nouvelle législation contre les discours malveillants est entrée en robustesse le 1er janvier 2018. Le nouveau dispositif législatif suscite des critiques notamment, celles du journal ‘’Allemand Bild’’ qui dénonce cette législation qu‘il juge liberticide.

Faisant place à une recherche approfondie sur des sanctions pénales et civiles à l’échelle internationale ayant rapport à la désinformation, jusqu’à date aucun texte de lois n’y est encore de mise. En effet, chaque État membre de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) cherche, de par leur droit national correspondant à leur mode de vie, à comprendre, interpréter et résoudre le problème de l’intoxication de l’information. Donc, cela fait montre de la présence entière du problème dont s’agit compte tenu l’inexistence d’une loi organique désignée par le Droit international public ou privré. Or, l’information sur le plan international est protégée et garantie par un ensemble d’instruments juridiques relevant des Droits humains.

De la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (art.19)(9) en passant par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (art.19)(10) jusqu'au niveau de la Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme (art. IV)(11), la recherche, le traitement et l'émission de l'information se protègent et se garantissent par ces instruments juridiques internationaux ratifiés par Haïti conformément aux dispositifs de la Constitution haïtienne en vigueur (arts.276, 276.1, 276.2)(12). Cependant, malgré la protection de l'information par ces instruments juridiques susmentionnés et surtout la loi mère de la République d’Haïti en ses articles 28, 28.1, 28.2(13), des citoyens conscients et des journalistes continuent de perdre leur vie pour avoir informé la population. Les cas y relatifs les plus récents sont, entre autres, la disparition du Photojournaliste, Vladimir Legagneur en mars 2018(14), et l'assassinat lâche du Journaliste Rospide PÉTION, dit ‘’Douze’’, en juin 2019(15).

Dans le cadre d'Haïti, les études et les analyses relatives au phénomène de la désinformation se compliquent à un point tel, leurs conséquences le plus souvent sont du genre fâcheux. Non seulement à travers toute la République d'Haïti la manipulation de l'information est monnaie courante ou comme l'exception à la règle. Mais aussi, l'information de toutes sortes véhiculées est portée à l'équivoque dont le résultat est menaçant.

Mesurons cette dernière approche, avant d'aborder la première, à l'aune de l'esprit de l'article 40 de la Constitution du 29 mars 1987 amendée le 09 mai 2011. Il dispose : " _Obligation est faite à l'État de donner publicité par voie de presse parlée, écrite et télévisée, en langue créole et française aux Lois. Arrêtés, Décrets, Accords Internationaux, Traités, Conventions, à tous ceux qui touchent la vie nationale, exception faite pour les informations relevant de la sécurité nationale."(16)_ Donc, en principe, tous nos textes de lois nationaux et internationaux sont contraires au libellé du présent article pour n'être pris et promulgués qu'en français. Cela sous-entend, qu'une nouvelle approche linguistique devrait être adaptée pour rendre effectives ces lois, c'est-à-dire, qu'elles s'appliquent à la réalité dialectologique haïtienne. De même que l'article 5 de ladite Constitution éclaircit : _" Tous les haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République."(17)_ Cet article s'attaque au problème de la publication des textes de lois s’écrivant uniquement en français et d’autres formes de discours nationaux tout en invitant l'État et la population à s'unir sur la base d'une langue commune qu'est le créole. Ainsi, à l'usage compréhensif de ces deux articles de la même Constitution dont seule la version française a été amendée, nous pouvons aussi réaliser et admettre que le pays a tout de même un problème d'émission de l’information.

Donc, la manipulation de l'information, n'est-elle pas un handicap au développement d'une société? Ne favorise-t-elle pas du profit à ceux qui s'en servent au détriment de la population? Son prix, saura-t-il remplacer les efforts se conjuguant par la force ou la faiblesse de la Justice, dépendamment du pays dans lequel on évolue? Autant de questions viennent s'ajouter pour mieux comprendre la réalité du phénomène de la désinformation représentant un facteur de blocages sociopolitiques.

Plusieurs cas récents de désinformation se répètent à Haïti soit dans les stations de radios, dans les chaines de télévision, soit dans les colonnes des journaux et surtout à travers les médias alternatifs, communément appelés les ‘’réseaux sociaux’’. Les plus attentionnés se partagent entre le gouvernement en place et les membres de l’opposition. Chacun de ces branches de la politique nationale, dispose suffisamment de moyens économiques pour avoir le contrôle de l’information par quelle que soit la voix de presse. Tout, pour se maintenir soit au pouvoir, soit pour y accéder au mépris des principes républicains qui régissent la règle du jeu démocratique.

Sans une recherche poussée, on fait dire à la population que les membres de l’opposition cherchent à dysfonctionner les écoles à Haïti pendant que leurs enfants fréquentent les meilleures écoles dans d’autres grands pays. Cependant, c’est peut-être, ces mêmes voix qui se furent soulevées contre Mirlande Hyppolite MANIGAT aux élections présidentielles de 2011 comme représentante de la classe intellectuelle n’ayant rien fait pour le développement d’Haïti, en choisissant en sa place Michel Joseph MARTELLY comme président d’Haïti. Or, toujours est-il que les professeurs des écoles publiques et de l’Université d’État d’Haïti (UEH) ne sont jamais rémunérés à temps, c’est ce qui occasionnerait en majeur partie le soulèvement des élèves, des universitaires publics et d’État à gagner les rues pour réclamer la présence des professeurs en salle de classe.

En plus, des bruits courent à travers toute la République que l’actuel président d’Haïti aurait pillé la caisse de l’État et aurait refusé de se mettre à la disposition de la Justice. Tandis que le président continue de clamer à travers les ondes et sur son compte ‘’twitter’’ qu’il croit fermement aux principes juridiques de son pays sans qu’il ne veuille leur donner la main. Encore à se souvenir de la tête de la première dame, Martine MOÏSE, placée dans un autre corps féminin dont la jupe laisse entrevoir sa dignité humaine sur un lit en face d’un chef de gang dénommé, ‘’Bout Janjan’’. A rappeler aussi, l’ensemble des déformations des interventions de Moïse JEAN-CHARLES, où maintes fois sur les réseaux sociaux, ont été propagées, dont le visage se place dans le corps d’une marchande de banane. En effet, les exemples de la désinformation à Haïti sont les unes plus brulantes que les autres, toujours sous les yeux bandés de la Justice haïtienne  avilie.

Pour remédier au problème de la désinformation caractérisant une infraction pénale à Haïti, mis à part les considérations juridiques du Code pénal haïtien au niveau de ses articles 313 à 322(18) selon l’idée de la Constitution en vigueur en son article 28.3, une loi sur la diffamation a été proposée et déposée par l’ancien Sénateur du Sud-Est, Edwin Daniel ZENNY, analysée, votée par le parlement, promulguée et publié par l’exécutif dans le Journal officiel de la République, ‘’Le Moniteur’’, le 14 mars 2017. Cette loi, outre des sanctions qu’elle prévoit fondées sur la diffamation de toutes sortes, met en garde tout citoyen voulant détourner sa philosophie. Pourtant, le professeur Hérold TOUSSAINT voit en cette loi une attaque à la liberté d’expression ou c’est le symbolisme du liberticide le plus entier en Haïti.

Dans dix-neuf (19) articles, la loi portant sur la diffamation a prévu et puni des actes contraires à la bonne information. Ainsi dans son article 2, elle dispose : ‘’sera coupable du délit de diffamation, toute personne qui, soit dans les lieux ou réunions publics, soit dans un acte authentique ou public, soit dans un imprimé, soit par voie de presse ou par moyen audiovisuel ou par voie électronique, aura imputé à une personne physique ou morale des faits qui portent atteinte à son honneur, à son intégrité ou à sa considération.’’ Pourtant, jusqu’à date les médias et les réseaux sociaux s’enflamment des actes qui devraient être réprimandés par la loi. Au lieu que l’arsenal juridique haïtien y relatif se met en branle pour traquer les contrevenants, s’oblige quelquefois à agir autrement, tels : utiliser le service du Conseil National des Télécommunication (CONATEL) pour bouiller certains médias s’opposant au gouvernement en place. Le cas de la ‘’Radio Télé Zénith’’ justifie à claire cette faiblesse. En effet, autant d’articles dans cette loi sont à considérer pour démontrer la passivité et la faiblesse de la Justice haïtienne.

Raymond CORRIVEAU, en ce sens ne pouvait s’empêcher d’avancer : ‘’Une mauvaise information demeure nocive même lorsqu’on tente de la corriger. Pire encore, la corriger accentue l’effet de mésinterprétation et les biais idéologiques existant chez certains’’(19). En outre, le philosophe Jean-Marc Rives et la journaliste Édith Boukeu respectivement enchérissent : ‘’Les propagandes, la désinformation et les messages subliminaux sont des moyens efficaces de manipulation des peuples’’ ; ‘’Entre information, désinformation, propagande et démenti, le peuple est pris en sandwich dans la bouche des hommes politiques.’’

En effet, à Haïti le problème de la désinformation et celui de l’information constituent un véritable blocage au développement sociopolitique du pays. En ce sens, s’il faut redresser la situation, faut-il que nos parlementaires prennent de nouvelles lois y relatives et que le pouvoir judiciaire applique et fait appliquer ces lois, ce, pour la bonne marche de la nation. Il faut aussi appliquer des lois ayant été déjà votées en pareille circonstance. L’exécutif à son tour, doit veiller sur la stabilité et la bonne marche des institutions républicaines selon l’esprit de l’article 136 de la Constitution du 29 mars 1987, amendée le 09 mai 2011.

La désinformation et l’information, ne seront-elles pas à la base d’une troisième guerre mondiale ? Ne sont-elles pas créées pour s’enrichir surtout malhonnêtement sur les réseaux sociaux ? Attendons voir.

Entre-temps, que la paix règne sur Haïti !

Delcarme BOLIVARD, Av.MA
30 /07/2019

Notes référentielles
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1. Utilisation des techniques de l’information de masse pour induire en erreur, cacher ou travestir les faits (Le Robert illustré et son dictionnaire internet, Ed. Millésime 2014, p. 543)
2. Interprétation erronée, fautive (Dictionnaire Encarta 2009)
3. Haski PIERRE : Facebook et la désinformation : un enjeu démocratique majeur, France Inter, publié le 18 décembre 2018 à 8 hs 16, consulté le 25 juillet 2019 à 11 hs AM
4. Facebook l’avait prouvé en 2014 au moment de la préparation des élections américaines ayant conduit Donald Trump à la tête des États-Unis en 2014. Ainsi, plus de 300.000 abornées de facebook s’y voyaient déconnectés pour des infox.
5. Vinogradoff LUC : Les médias dans l’ère de la politique post-vérité, publié le 12 juillet 2016 à 17 hs 32, mis à jour le 13 juillet 2016 à 12 hs 31, consulté le 24 juillet 2019
6. http://memovocab.net/glossiaire/glossa_af/effet_de_la_ Hasher, L., Goldstein, D., & Toppino, T. (1977). Journal of Verbal Learning and Verbal Behavio, 16 (1), 107-112. doi:10.1016/s0022-5371(77)80012-1, consulté le 24 juillet 2019 à midi 12
7. https://fr.m.wikipedia.org, consulté le 24 juillet 2019 à dix heures AM
8. Lexique de politique, 7e Ed. Dalloz, p.247
9. Institut International des Droits de l’Homme : Textes internationaux relatifs à la protection international des droits de l’homme, Vol.I, Ed. ZI des Ondes, p. 35
10. Ibid p.38
11. Avocats Sans Frontières : Droit international de la personne : Garanties judiciaires et conditions de détention, dans le cadre d’une formation sur les droits de l’homme, janvier 2008
12. Constitution de la République d’Haïti de 1987, amendée le 09. mai 2011, Ed.Fardin Dieudonné, p.105
13. Ibid. 17
14. www.lenouveliste.ht, Consulté le 26 juillet 2018 à 11 hs 03 AM
15. Opcit. , Consulté le 26 juillet 2019 à 11 hs 10 AM
16. Constitution de 1987, p.25
17. Ibid. p.10
18. Patrick PIERRE-LOUIS : Code Pénal, mis à jour et annoté, Ed. Zémès S.A 2011, p.94 à 96
19. Raymond CORRIVEAU : L’information : la nécessaire perspective citoyenne, http/books.google.ht, p.5
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