Table des matières
2 : HAÏTI ET CERTAINS RAPPORTS PORTÉS SUR LA
CORRUPTION DANS LE MONDE
Le 29 février 2004 en Haïti, un groupe assaillant ayant à sa
tête le « Commandant » Guy Philippe, a renversé le président
Jean-Bertrand Aristide au Palais national. Cette situation a coûté la vie à des
centaines de pro-Lavalas sur tout le territoire national[1], a ébranlé
certaines institutions républicaines de l’époque, dont le Parlement haïtien, et
en a donné lieu à de nouvelles, particulièrement, l’Unité de Lutte Contre la
Corruption (ULCC). Celle-ci, créée sous la présidence provisoire de Maître
Boniface Alexandre par le décret du 08 septembre 2004, a été le résultat de la
recommandation stratégique de la Communauté Internationale ayant voulu
participer à la lutte contre la corruption dans le pays. Ce soutien de
l’international se réalise dans le cadre du projet EGTAG1 de la Banque Mondiale
en appui à la gouvernance économique de l’institution[2].
En effet, de 2004 à nos jours, à
côté d’autres institutions chargées de combattre la corruption sous toutes les
formes au niveau de l’administration publique du pays, dont : l’Unité Centrale
de Renseignements Financiers (UCREF), la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif (CSC/CA), le Ministère de l’Économie et des Finances
(MEF), Institution Générale des Finances (IGF), la Commission Nationale
des Marchés Publics (CNMP) ; l’ULCC a pour vocation ou mission première de travailler à combattre la corruption et
ses manifestations sur toutes les formes au sein de l’Administration publique…
(Art. 2 du décret portant création de
l’Unité de Lutte Contre la Corruption du 08 septembre 2004). Il faut
également mentionner que, selon ce même décret créant cette institution
régalienne qu’est l’ULCC, au niveau de son article 4, entre autres, celle-ci a
pour mandat de définir une stratégie de
lutte contre la corruption avec une large participation du secteur public et
des organisations de la société civile. Une fois cette stratégie définie,
l'Unité doit assurer le suivi de sa mise en application et sa révision selon
l’évolution du contexte économique, financier, social et politique du pays.
Par ailleurs, constatant la position d’Haïti à l’échelle
internationale par rapport aux indices de corruption, nous sommes perplexes à
nous demander si l’ULCC respecte son objectif fixé dans sa loi organique ou si
elle n’a pas failli à sa mission. De 2004 à 2021, quelle est la place d’Haïti
au regard des rapports de « Transparency
international » ? Quelle est la contribution effective de l’ULCC dans
la lutte contre la corruption dans le pays ? Qu’est ce qui empêche l'ULCC
d’atteindre son but (Cette institution, est-elle technique ou politique ?) Que
faut-il faire pour lui rendre effective selon un cadre propositionnel ? Dans
les lignes qui suivent, nous tâcherons de répondre à ces questions.
1.1
ULCC ET SA MISSION
Le décret du 08 septembre 2004 fait de l’ULCC l’une des
institutions publiques haïtiennes à vocation de lutte contre la corruption.
Cette vocation légale lui permet de mener des enquêtes, de déférer à la Justice
des dossiers se rapportant à la corruption[3]. Aux
termes de l’article 2 du décret du 8 septembre 2004, l’ULCC a pour mission de
travailler à combattre la corruption et ses manifestations sous toutes les
formes au sein de l’administration publique afin de :
a) protéger les biens publics et
collectifs ;
b) assurer l’efficacité des mesures et
actions visant à prévenir, à dépister, à sanctionner et à éliminer les actes de
corruption et infractions assimilées ;
c) favoriser la transparence dans la
gestion de la chose publique ;
d) établir un climat de confiance pour
promouvoir l’investissement privé ;
e) moraliser l’administration publique
et la vie publique en général.
1.2
ULCC ET SON MANDAT
Au regard de l’article 4 du décret de 2004, l’ULCC a pour
mandat de :
a) définir une stratégie de lutte
contre la corruption ;
b) compiler les textes relatifs au
phénomène de la corruption dans la législation haïtienne, proposer des
amendements et élaborer une loi sur la corruption ;
c) mettre en place un code d’éthique et
proposer un pacte d’intégrité devant encourager l’engagement des tiers à
renoncer à la corruption ou à tout autre comportement contraire à l’éthique
dans la passation des marchés publics ;
d) assurer l’application de la
Convention Interaméricaine contre la Corruption ;
e) mettre en place un Système d’informations
intégré et de Suivi ainsi qu’un système d’alerte permanente.
La compétence et l’organisation de l’ULCC est portée d’une
part sur des enquêtes et de la prévention anti-corruption comme facteur
accessoire, d’autre part, sur le modèle des pouvoirs de ses agents.
1.3
ULCC ET SA RÉALISATION
En effet, depuis la création de l’ULCC moins de 60 enquêtes
sont menées dans le cadre de la lutte contre la corruption en Haïti, dont
seulement deux ont été traitées au tribunal[4].
Le mode organisationnel de l’Unité de Lutte Contre la
Corruption (ULCC) et son monde opératoire laissent à désirer. Cette institution
évoluée sous les auspices du Ministère des Finances a en sa tête un directeur
général choisi de manière unilatérale par le chef de l’exécutif, le président
de la république. Cette façon de faire a non seulement provoqué des doutes par
rapport au fonctionnement de l’ULCC, mais aussi et surtout l’a rendue telle
qu’une institution trop politique dans le cadre de la mise en œuvre de sa
mission et de son objectif. Nous nous rappelons le jeu de l’ex-président de la
république, en l’occurrence, le feu Jovenel Moïse ayant eu son nom cité dans
les deux rapports sénatoriaux et celui de la CSC/CA portés sur la dilapidation
des fonds ‘’PetroCaribe’’. Ledit président d’alors épinglé dans ces rapports a
procédé à la révocation du directeur général de l’ULCC à l’époque, maître
Claudy Gassant, en le remplaçant par son bon ami, Maître Rockfeller Vincent aux
fins de son soutien dans le cadre des enquêtes de cette institution.
L’ULCC, comme l’une des institutions régaliennes du pays,
semble avoir failli à sa mission et son mandat, si nous tenons compte de
l’ensemble de ses réalisations depuis dix-neuf (19) ans de création. Nous
lisons avec beaucoup de peines les rapports soit de « Transparency
International » soit de la Banque Mondiale (BM), et d’autres organismes
évoluant dans le domaine de recherches sur la corruption ; portées sur des
indices, des causes et des conséquences de la corruption à travers le monde,
dans lesquels Haïti est toujours mal classé et vu comme pays.
2 : HAÏTI ET CERTAINS RAPPORTS PORTÉS SUR LA CORRUPTION
DANS LE MONDE
Depuis 2002 ‘’Transparency International’’ utilise des
indices de perception de la corruption pour démontrer le niveau de corruption
en Haïti. En 2002, Haïti est la 13ème société la plus corrompue sur
102 pays. Entre 2003 et 2008, Haïti est classé comme l’un des trois pays les
plus corrompus de la planète. En 2010, Haïti est placé en 146ème sur
178 pays soit le trente-deuxième (32ème)
pays ayant l'indice de corruption le plus élevé. En 2011, Haïti est placé 175ème
sur 182 pays le septième (7ème)
pays ayant l'indice de corruption le plus élevé. En 2012, Haïti est placé 165ème
sur 174 pays soit le neuvième (9ème)
pays ayant l'indice de corruption le plus élevé. En 2013, Haïti est placé 163ème
sur 175 pays soit le douzième (12ème)
pays ayant l'indice de corruption le plus élevé. En 2014, Haïti est placé 161ème
sur 174 pays soit le treizième (13ème)
pays ayant l'indice de corruption le plus élevé. Dans le rapport ‘’Doing
Business 2020’’ publié par la Banque Mondiale, Haïti est classé en 179ème
sur 190 pays les plus insolvables du monde. Il (Haïti) est aligné par
‘’Transparency International’’ en 170ème rang sur 180 pays les
corrompus du monde en 2020.
En effet, la lutte contre la corruption à travers le monde
n’est pas chose facile. Ainsi cette lutte, que ce soit au niveau international
ou national, doit tenir compte de ces différents facteurs. Pour le professeur
André Tchoupie : ‘’la corruption est une réalité difficile à cerner,
non seulement en raison de la diversité des actions ou des transactions
concernées, mais également du fait de son caractère généralement occulte et
secret’’. Donc, combattre la corruption vraiment en Haïti demande tout un
ensemble de stratégies, dont :
a) la mise en application totale des
lois y relatives, dont la Convention des Nations Unies Contre la Corruption
(CNUCC) adoptée le 31 octobre 2003 ;
b) le renforcement des institutions
chargées de la lutte contre la corruption en Haïti ;
c) la réforme du cadre légal de l’ULCC
en rendant beaucoup plus indépendante et technique cette institution ;
d) la participation des médias à la
vulgarisation des cas de corruption dans le pays ;
e) l’implication citoyenne dans ce
combat ;
f) l’éducation sur les effets et les
impacts négatifs de la corruption sur l’ensemble du territoire national ;
g) la revalorisation des forces de
l’ordre, particulièrement, la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans la lutte
contre la corruption dans le pays ;
h) l’encouragement de la méritocratie
au mépris de la médiocratie ;
i) l’encadrement des employés publics
et privés dans le pays, etc.
Conclusion
Malgré la Loi du 09 mai 2014 portant prévention et
répression de la corruption en Haïti, la situation n’a pas changé. La
corruption continue de s’imposer en maître dans nos institutions, surtout dans
celles qui se rapportent à l’État. Les effets de l’article 55 de la
loi susdite énumérant les éléments de la corruption au niveau de la société
haïtienne deviennent de plus en plus inquiétants.
En effet, en valorisant l’ensemble de ces recommandations
faites à travers cette étude portée sur l’Unité de Lutte Contre la Corruption
(ULCC), nous parviendrons vraiment à avoir des outils clés relatifs au combat
et à la lutte contre la corruption. Mais, comment lutter contre la corruption
dans les petits pays, dont Haïti?
28/02/203
Delcarme BOLIVARD, Av.
Bibliographie
1-
Décret portant création de l’ULCC, le 08
septembre 200
2-
Gilles, F. (2009). Droit et société. Cairn.info, (n° 72), pages 273 à 284. https://doi.org/10.3917/drs.072.0273
3-
Alain, D.
(2020, 26 janvier). Le cas Gassant ou la politique pe djòl. Balistrad, https://balistrad.com/le-cas-claudy-gassant-ou-la-politique-pe-dyol/
4- Juan, A. (2018). Corruption et
corrupteurs. Ritimo, https://www.ritimo.org/Corruption-et-corrupteurshttps://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/41194464.pdg
5-
Loi portant prévention et répression de la corruption 12
mars 2014
6-
Tchoupie, A. (2007) L’institutionnalisation de la Lutte
Contre la Corruption et Contre les Phénomènes Apparentés au Cameroun. (Canadian
Journal of Political Science/Revue Canadienne de science politique), (Volume
40, Issue 4), pages 859-881 https://doi.org/10.1017/s0006423907071168
[3] La corruption s’entend de tout abus ou de toute utilisation faite à
son profit ou pour autrui, de sa fonction ou de son occupation par les
personnes visées à l’article 2 de la présente Loi au détriment de l’État, d’un
organisme autonome, d’une institution indépendante, d’une collectivité territoriale,
d’une organisation non gouvernementale ou d’une fondation bénéficiant d’une
subvention publique, d’une entreprise privée avec participation de l’État. (Loi
portant prévention et répression de la corruption 09 mai 2014)
[4] Déclaration de Maître Marc-Alain, chef du service juridique de
l’ULCC. Cette déclaration a été faite dans le cadre du cours de ‘’Criminalités
Économiques’’ dispensé par Docteur Éland Guerrier à ISTEA le 11 octobre 2021 à
5hs 30 PM.
5 la concussion, l'enrichissement illicite, le
blanchiment du produit du crime, le détournement de biens publics, l'abus de
fonction, le pot-de-vin, les commissions illicites, la surfacturation, le
trafic d'influence, le népotisme, le délit d'initié, la passation illégale de
marchés publics, la prise illicite d'intérêts, l'abus de biens sociaux, l'abus
de fonction et tous autres actes qualifiés comme tels par la loi.
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