lundi 19 novembre 2018

L'affaire de JEAN-CHARLES Moïse : Le symbolisme de la chute du régime "Tèt Kale " dans un contexte de l'inexistence de l'État par la force de la résistance orientée vers le mépris des principes républicains

La position du parti politique "Pitit Dessalines’’ prend de l'ampleur. Le Secrétaire général de ce parti, lors de la dernière manifestation anti-gouvernementale du 10 novembre 2018 dans le Nord d'Haïti, a posé un acte au déclin de ce mouvement consistant à hisser le drapeau rouge et noir à Vertières en signe de protestation à l'extrême. L'ordonnance de l'ancien conseiller de la présidence de René Garcia Préval défraie la chronique de l'heure et tente dans un élan considérable de freiner la course de la demande de reddition de comptes sur le fonds ‘’PetroCaribe’’ dilapidé par certains grands dignitaires et fonctionnaires respectivement de l'État haïtien et de l'international.

À ce propos, plusieurs considérations sont faites et chacune d’entre elles cherche à s'y positionner dépendamment de son idéologie politique. Si pour certains, le hissement du drapeau rouge et noir à Vertières sous l'ordre de l'ex-sénateur du Département du Nord, Jean-Charles Moïse, est un acte de grandeur d'âme, pour d'autres, ce geste n'est qu'une profanation à notre bicolore eu égard aux dispositifs de la Constitution du 29 mars 1987, amendée le 09 mai 2011. En réalité, considérant la dimension de cet acte, nous sommes convenu d'insinuer que les deux approches y relatives, ont tous deux à la fois, torts et raison; seule la nation en payera tôt ou tard les conséquences.

Nous arrivons à un carrefour où il faut placer sur mesure l'acte posé par l'ex-candidat à la présidence d'Haïti, Jean-Charles Moïse. Ainsi, est-il nécessaire d'appliquer le "principe de la causalité" et "la théorie de l’effet papillon", ce qui favorisera le sens de l'analyse et celui de l'esprit critique.

Première démarche:
Sur la nature du fait de hisser le drapeau rouge et noir :

L'ancien Maire de la Commune de Milot, Jean-Charles Moïse, au lendemain de l'accomplissement de son acte, a déclaré sur certaines stations de radio de la Capitale qu'il a pris du temps pour exécuter sa décision. Pour lui, c'est un acte calculé. En toute logique, nous pouvons en déduire que cette nouvelle page mise dans son histoire politique s'adresse à la fragilité d'un État incapable de satisfaire les besoins préliminaires de la population et la faiblesse d'un gouvernement indigne de son nom pour être inlassablement voué à l'international dans la moindre chose au service de la nation. C'est le symbolisme de la chute du régime "Tèt Kale" dans un contexte de l'inexistence de l'État par la force de la résistance orientée vers le mépris des principes républicains.

Deuxième démarche :
Sur les effets de l'acte posé par l'ex-candidat à la présidence, Jean-Charles Moïse :

Angle social :
En plein éveil de la conscience citoyenne sur le dossier ‘’PetroCaribe’’ sur tout le territoire national et au niveau de la diaspora, certains partis politiques, dont, "Pitit Dessalines", font écho. C'est l'occasion pour le Secrétaire général de ce parti de dénouer la pensée de la masse axée sur la misère et la décadence de l'État face à une classe soi-disant bourgeoise qui ne travaille qu'à son profit en bénéficiant tous les grands avantages et privilèges de presque toutes les institutions étatiques haïtiennes.

Selon le dernier rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), Haïti est placé en 168ème position des pays pauvres du monde et vient en dernier dans le classement des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Avec un système économique fondé sur l'assistanat des pays riches,  Haïti, comme État déséquilibré par la pratique continuelle de la corruption, attend regrettablement toutes formes de crise destinée à paralyser l'essence de la démocratie que prône le préambule de la Constitution en vigueur.

A cet effet, les fraudes administratives commises par les plus hauts acteurs politiques de l'État, enfoncent le pays au plus bas niveau du sous-développement. Et le dernier évènement en date démontre que la société haïtienne marche à reculons sous un gaspillage sans précédent; ‘’PetroCaribe’’. "Kot kòb PetwoKaribe a? En effet, socialement, l'acte de Jean-Charles Moïse traduit le sort du peuple haïtien délaissé par des autorités qu'il a choisies pour assurer son destin.

Angle historique :
Madame Odette Roy Fombrun, archéologue et écrivaine de son état, dans ses diverses approches sur le panorama du drapeau national, alimente ses réflexions sur l'effet que le symbole visible de la patrie n'a jamais été stable et flotté de manière significative au profit d'un petit groupe qui ne cherche qu'à exploiter les  richesses du pays. De rouge et noir, en passant par bleu, blanc et noir jusqu'au bleu et rouge, le drapeau national se hisse désemparement la vertu dont parlait Charles Louis de Secondat à travers son fameux ouvrages sociopolitique intitulé "De l'esprit des lois".

L'instabilité de couleur perçue dans l'histoire du drapeau haïtien échappe à certaines grandes idéologies politiques. Et ce dérangement précède tous postulats de fausses croyances sur l'avenir d'un peuple oublié par l'État auquel il appartient. Donc, L'affaire de Jean-Charles Moïse sur le hissement du drapeau rouge et noir à Vertières le Samedi 10 novembre 2018 a une portée historique. Interrogeons-nous y : Est-elle (l’affaire) admise par le parti politique "Pitit Dessalines" comme le retour du règne de l'empereur Jacques 1er? Ou, le retour de la monarchie du Roi Henri 1er? Ou, plus proche encore, le régime duvaliériste? De ces questions, nous pouvons déjà imaginer la lutte pour la paternité du retour de ce drapeau rouge et noir entre les partisans de l'ancien Maire de la commune de Milot, Jean-Charles Moïse, et ceux des Duvalier qui, eux aussi, voient dans ce geste leur recommencement inévitable au pouvoir politique national. A noter que cet acte est un élément du spiral de l’histoire d’Haïti.

Angle juridique:
Sur l'acte posé par l'ex-candidat à la présidence d'Haïti, Jean-Charles Moïse, la loi haïtienne s'est déjà prononcée à travers deux instruments juridiques :

1- La Constitution amendée en ses articles 2 et 3 disposant respectivement que les couleurs nationales sont le bleu et le rouge,  et l'emblème de la nation haïtienne est le drapeau bleu et rouge avec ses descriptions. Cette Constitution demande que les citoyens respectent les lois de la nation y compris l’emblème du pays (art. 52.1 CH.) Et, quiconque ne le fait pas, tombera sous les sanctions de la loi y relative. (art. 52.2 CH.)
2- La loi du 31 juillet 1929 sur la profanation des monuments historiques de la nation.

En toute logique, quelqu'un qui aurait profané le drapeau haïtien aurait dû, in extenso,  frapper par la loi du 31 juillet 1929 portée sur des sanctions à quiconque profanerait le symbole de la nation. A la lettre, cette loi devrait être appliquée à Jean-Charles Moïse. Cependant, qui prendra la chance de le faire dans un pays comme Haïti où le Droit de la politique prime sur la politique du Droit ? Quelle autorité osera en parler sérieusement, dans un pays comme Haïti, où chacun a son compte à rendre dans la gestion des choses de la nation ? Dans un pays comme Haïti, où de grands hommes et de femmes d'État sont accusés de corrompus et dilapidateurs du fonds PetroCaribe, qui du gouvernement abordera complètement ce sujet ? Quel pouvoir établi s’y engagera, dans un pays comme Haïti où, ceux qui sont appelés à faire respecter la Constitution la violent à leurs profits, la brandissent quand leurs droits et intérêts sont menacés, pourtant, la piétinent au détriment de la nation. Dans ce cas, Georg Wilhelm Friedrich Hegel pourrait nous inspirer sur la sagesse de Jésus Christ qui faisait disparaître aux yeux de la femme adultère toutes celles et tous ceux  la voulant condamner pour un acte délictueux qu'eux mêmes savaient commettre.

Angle politique :
En matière de révolution toutes stratégies sont bonnes, il suffit d'atteindre les résultats escomptés. Pour libérer la France de la monarchie absolue, le Roi Louis XIV finit sa vie sous la guillotine agitatrice des opposants de l'obscurantisme. Pour la réforme politique de l'Allemagne, Adolph Hitler a dû faire exterminer tous les juifs de cette contrée. Les Tutsis et les Hutus s'enflammèrent, s'entretuèrent et détruisirent une bonne partie Rwanda et du Congo Belge; rien que pour dire non aux traites inhumaines imposées par les blancs de l'époque. Dessalines ordonna le massacre des français pour l'indépendance nationale. Tout cela explique que le réveil de la conscience citoyenne peut tout chambarder pour redresser, voire changer un système politique.

Nicolas Machiavel, dans son livre de traité politique, le "Prince", admet pour vrai qu'en politique tous les moyens sont bons, il suffit d'en garantir et d'en bénéficier les conséquences. Il y croit que les hommes politiques sont autonomes dans le choix de leurs stratégies à utiliser pour mener à bien leurs mouvements. Et comme vérité absolue, c'est donc la fin qui justifie les moyens dans toutes les occasions et à tout instant.

L'affaire de Jean-Charles Moïse interpelle la logique politique. Elle précède toutes les formes de prédicats dans la catégorie des idées opposantes actuelles. Ce qui signifie qu'un dépassement de soi importe pour mieux aborder cette action avec un esprit beaucoup plus équilibré. Ainsi, demandons-nous pourquoi le Secrétaire général de "Pitit Dessalines" a fait hisser le drapeau rouge et noir à Vertières le samedi 10 novembre 2018 sur la place publique de Vertières dans le Nord d'Haïti? Pourquoi pas une autre couleur? Reconnaissons-nous que la guerre pour la couleur du drapeau pour certains, ne changent à rien. Néanmoins, avec cet acte, l'ordre des choses a changé et une autre page vient de s'écrire au bas de l'histoire politique nationale. La demande incessante d'une classe citoyenne consciente sur le dossier PetroCaribe (Kot kòb PetwoKaribe a?)  vient d'en subir un effet négatif.

Plusieurs jeux politiques de l'accomplissement de cet acte sont à étudier. D'accord, cet acte posé par Jean-Charles Moïse aux yeux des autorités étatiques, montre clairement que le gouvernement en place a failli à sa mission. En suite, cela fait montre aussi que la patrie haïtienne est sombrée dans son pseudo-existence, et par conséquent, l'État haïtien est tombé en dérision auprès des décideurs nationaux et internationaux. Nous comprenons  la dimension de cette affaire. Il s'agit d'un acte réfléchi dévisageant et déshabillant la Justice haïtienne déjà trop faible et corrompue depuis la fondation de l'État haïtien.

Par cet acte, nous voyons la chute de l'État haïtien partant avec les effets du procès tant rêvé sur le dossier ‘’PetroCaribe’’. Il est aussi important de s’interroger de la manière suivante : Jean-Charles Moïse, ne voulait-il pas voir le déroulement d'un tel procès comme celui de la consolidation réalisé sous la gouvernance du Président Antoine Simon? Ou, ne voulait-il pas y être, y compris ses pairs? L'instabilité sociopolitique, l'ingérence de l'international, la violence politique imposées par certains acteurs politiques, sont entre autres, des mécanismes consistant à fragiliser  un pays déjà trop rabougri pour répondre aux revendications primaires de la population martyre de l'inconscience de son sort et de son état.

En effet, nous pouvons, en dépit des diversions politiques, continuer à demander : ‘’Kot Kòb PetwoKaribe a ?’’ Aucun parti politique ne doit infiltrer le mouvement pour empêcher que les dilapidateurs répondent aux questions de la Justice. Et quelle que soit la barrière érigée contre un éventuel procès sur la gestion du fonds de PetroCaribe, les citoyens conscients de leurs rôles à jouer dans l’état actuel du pays, finiront par avoir gain de cause.

16 novembre 2018

Delcarme BOLIVARD, Av. MA

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