Monsieur le Président de la République,
La commission d'enquête du Sénat de la République, représentée par les honorables sénateurs, soussignés, a l'insigne honneur de vous saluer et de préciser à votre haute attention l'enjeu de cette interrogation générale qui place, sous les feux des projecteurs, votre nationalité, au regard de l'article 15 de la Constitution qui stipule : « La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas.»
Monsieur le Président de la République,
L'ampleur du débat que soulève ce cas d'espèce qui harponne votre corps symbolique de "persona ficta" en fait désormais une question nationale, de dimension historique.
Les approches prudentes et respectueuses de la commission diligentées aux termes de l'article 118 de la Constitution, pour vous aider à tirer au clair l'état de votre situation et à dissiper ce doute cruel qui sape votre légitimité, n'ont récolté que la froideur de votre indifférence et la gouaille de votre banalisation d'une perception publique qui s'est érigée en fait social et politique.
Il en résulte aujourd'hui des remous qui commotionnent le corps social de graves lézardes qui lacèrent votre visage de Premier Mandataire de la Nation et désacralisent le Pouvoir.
Monsieur le Président de la République, votre refus de collaborer à l'enquête du Grand Corps n'a aucune justification si l'on se réfère au droit constitutionnel et à la philosophie politique des démocraties modernes.
Les missions du président de la République, telles que définies dans les manuels didactiques des grands auteurs, le confinent généralement aux rôles de gardien de la Constitution et de garant des grands intérêts nationaux, comme le prescrit l'article 136 de notre Charte fondamentale.
Comment comprendre alors, Monsieur le Président, votre choix d'ignorer le droit d'enquêter reconnu au Parlement par la loi mère et celui de maintenir sur votre nationalité un flou déstabilisant qui accélère la descente aux enfers du pays au détriment de la stabilité sociopolitique.
Nous référant aux paroles célèbres du député Cabèche lors de l'occupation américaine, permettez-nous de dire à Son Excellence :
« Quand le peuple haïtien aura un jour à gémir de ces fers que vous essayez de lui forger, et que les générations futures auront à exercer la mémoire de ceux qui ont été les artisans de cet instrument de honte, nous ne voudrions pas que nous soyons du nombre ; nous ne voudrions pas non plus que nos noms figurent au bas du procès-verbal où sera opérée la honte de toute une institution ou de toute une nation ». C'est pourquoi, en tant que Président de la République jusqu'ici, nous vous demandons de choisir la voie de la sagesse pour éviter le pire au pays. Car aucune volonté particulière ne peut se substituer à la volonté générale. La démystification du politique met bas les masques.
Blaise Pascal, dans son traité de philosophie politique intitulé "Trois discours sur la condition des grands", vous rappelle que c'est à la faveur d'un hasard, le hasard d'une occasion que vous faites partie des grands. Dans le premier discours, il raconte l'histoire d'un être en exil, sur une terre qui lui est inconnue, ramené à sa condition misérable, mais en qui le peuple reconnaît son roi...
Charles de Gaulle renchérit, pour vous apprendre, dans son livre intitulé "Du Prestige", que l'élévation d'un homme au-dessus des autres ne se justifie que s'il apporte à la tâche commune l'impulsion et la garantie du caractère...
Platon, sous la plume d'Hannah Arendt, a découvert, pour votre gouverne, que la vérité, en tout cas les vérités que l'on nomme évidentes, contraignent mieux l'esprit que la persuasion, l'argumentation et les moyens externes de violence.
Assautez l'admiration et la vénération de votre peuple en accédant à l'excellence citoyenne qui, selon Aristote, permet "de bien commander et de bien obéir."
Monsieur le Président de la République, la Commission d'enquête du Sénat de la République vous ouvre les voies inédites de l'exemplarité, de l'honneur et de la gloire, en vous assignant une tâche exceptionnelle. Elle vous enjoint , au nom du peuple souverain qui a mandaté le législatif, au nom de l'histoire et de la vérité, d'écrire personnellement et respectivement aux instances compétentes des Etats-Unis d'Amérique et d'Italie pour leur demander de fournir, de manière explicite, à la nation haïtienne, toutes les informations relatives à votre nationalité. Ainsi, il sera mis fin à la saga qui ballotte le pays aux quatre vents.
Monsieur le Président de la République, un citoyen de nationalité haïtienne a tout à gagner d'une démarche de cette valeur, marqué au coin du patriotisme, de la noblesse et du dépassement de soi.
La commission d'enquête vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, avec ses voeux de magnificence, l'expression de sa très haute considération.
Que Dieu vous inspire et vous donne la force herculéenne de forcer les portes du Panthéon national !
Port-au-Prince, le 5 mars 2012.
Les Signataires
Les sénateurs: Polycarpe Westner, Jean- Charles Moïse, Bien-Aimé Jean-Baptiste, Steven Benoît, John Joël Joseph et Cassy Nènèl.
encrejournal.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire